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Une jolie fille rien que pour moi d’Aurélie Antolini

Parution en octobre 2008

À partir de 12 ans

couv_jolie_fille_pour_moiPremier roman d’Aurélie Antolini, Une jolie fille rien que pour moi paraît aux éditions Intervista. Il fait partie de la collection Les Mues :

« Les Mues, c’est une collection d’impulsions et d’humeurs différentes (légère, impertinente, drôle, révoltée, survoltée, réaliste ou fantastique), qui s’articule autour d’un thème : changer… »

Le héros du livre va changer, effectivement. Il a onze ans et sa langue n’est pas dans sa poche. Sa vie n’est pas toujours facile, aux côtés de Gisèle, sa mère, et de son beau-père « pêcheur de mérous ». L’arrivée de ce « père intérimaire » n’est d’ailleurs pas vécue comme un conte de fée :

« Plus moyen de se voir en tête à tête, y avait toujours l’autre pour ramener sa fraise au milieu.

C’est ainsi qu’a débuté notre vie à trois.

Le type de ma mère a pris plein de mauvaises habitudes, du genre passer tous ses week-ends à la maison, remplir notre frigo de trucs pas bons et regarder ma mère comme si elle était la femme de sa vie.

Je me suis senti divorcé.

J’ai commencé à faire des rêves bizarres et à regarder les filles. »

Voilà le centre du livre : l’amour ; un thème banal, somme toute, car les amours adolescentes ont été maintes fois racontées. Mais peut-être pas avec cette gouaille et cet humour. On sent que l’auteure a pris du plaisir à l’écriture, et c’est savoureux.

Il faut le dire tout de suite, ce gamin de onze ans n’est pas très crédible : les métaphores qu’il utilise prendraient plus facilement place dans la bouche d’un adulte (« se raviser comme une huître sous la fourchette », par exemple).

Mais ce n’est pas grave ! La vivacité de l’auteure est désarmante, on ne peut s’empêcher de rire ou de hocher la tête en pensant « ça, c’est bien vu ! ». Cette écriture très joyeuse emporte sans aucun problème.

« Quand Sophia est descendue du pick-up tout-terrain il y a eu tout un cliquetis de toc dans l’air. Faut dire qu’avec ses joyaux trébuchants, elle s’entendait pas bien avec le silence. Elle en avait partout, dans les oreilles, pendus à la gorge, autour des doigts, un vrai présentoir à breloques. Et quand y restait encore un peu de peau nue, c’était tout couvert de fard.

Y en avait assez pour repoudrer toutes les filles du coin. »

Certains moments sont crus, d’autres très romantiques. C’est une des qualités de ce livre : bien montrer comme ce passage à l’âge adulte balance, entre « pipi-caca » et fleur bleue. L’amour tout neuf du narrateur est bien rendu, et la forme choisie du journal intime reste très récréative.

Si quelques encarts pimentent le texte (fausses affiches promotionnelles, avis de recherche ironique ou hit parade improbable), ils disparaissent lorsque l’action s’accélère et que du suspense se met en place.

La lecture est fluide, le style très enlevé. C’est un plaisir de suivre les péripéties de cette famille, à travers les yeux d’un petit bonhomme hors normes, lucide, sans tabou et drôle.

Une jolie fille rien que pour moi est donc un bon livre, ludique, que l’on peut lire à partir de douze ans (testé et approuvé par ma fille qui l’a lu d’une traite !). C’est l’occasion justement de partager avec sa progéniture une foule de petites phrases, comme « sa mère était douce comme du papier toilette ».

Au passage, on prendra cet amour naissant au sérieux. Après tout, c’est peut-être vrai « qu’on aime jamais plus fort que quand on est petit. Ce qui est bizarre, c’est que les vieux nous prennent jamais au sérieux. Ils sont tellement tristes de plus être jeunes qu’ils veulent se garder le privilège de l’amour. » Et toc !

Une jolie fille rien que pour moi d’Aurélie Antolini

Editions Intervista, collection Les mues