Archives mensuelles : juin 2009

On s’est juste embrassés d’Isabelle Pandazopoulos

Catégorie Littérature jeunesse -Roman-
Parution en juin 2009
À partir de 13 ans

 

isabelle_pandazopoulos« Elle m’a posé ses questions, toujours les mêmes : « les cours se sont bien passés ? Tu as eu des notes ?

Tu es rentrée à quelle heure ? »

J’ai répondu ce qu’elle attendait. Elle a eu l’air satisfaite. Fallait pas que je la dérange.

Silence. Je me suis levée. J’ai regardé machinalement le courrier qu’elle n’avait pas ouvert. Il y avait une lettre du collège, je l’ai mise à la poubelle. »

 

 

Aïcha Boudjellal vit seule avec sa mère. Elle a seize ans et son père ne donne plus de nouvelles depuis des années. Sa mère voudrait qu’elle évite de fréquenter les élèves de son collège, ceux de la cité Paganini :

« Elle ne voulait pas que je me mêle à tous ces gens-là, les Arabes, les Maliens, les Sénégalais et les autres, qui vivaient en famille, retournaient au bled et parlaient la langue de leur pays. Moi, je me sentais comme eux. Ou j’aurais tant aimé. Je rêvais de m’intégrer mais je ne savais pas de quel côté. »

Aïcha est obligée de voir sa meilleure amie, Sabrina, en cachette. Elle adore aller chez elle, trouver de la chaleur dans cette famille nombreuse. Et secrètement, elle est amoureuse de Walid, le grand frère de Sabrina…

… Jusqu’au jour où Walid, adolescent macho et frimeur, prétend avoir couché avec elle. Et peu importe que ce soit vrai ou faux, car Aïcha est maintenant déshonorée. Aux yeux de tous, elle n’est plus qu’une petite p*te :

« J’en étais sûre, ce serait bientôt écrit sur les murs de l’école, tagué en noir et rouge, et gravé sur les tables, dans les classes, sur les portes des toilettes. »

Voilà le point de départ de On s’est juste embrassés, un roman dense, fluide, prenant, qui décrit l’effondrement puis la reconstruction progressive d’une adolescente. Aïcha va devoir trouver des réponses dans l’histoire de sa famille, faire parler les silences, les décoder. Ce sera difficile, car cette recherche n’est pas sereine, mais polluée par une violence contenue, un sentiment d’injustice et de solitude écrasant.

Isabelle Pandazopoulos suit son héroïne dans ses soubresauts, ses à-coups, ses difficultés. Avec une écriture spontanée, libre, qui sonne juste, elle met en place un décor réaliste et des personnages crédibles auxquels on adhère rapidement. On s’est juste embrassés se lit d’une traite. C’est une immersion réussie dans ce moment de vie d’Aïcha, jusqu’à une fin ouverte, émouvante, profondément humaine…

C’est aussi le regard sensible d’une jeune fille, posé sur les livres :

on_sest_juste_embrasses« […] je les feuillette, je les referme, je les renifle, j’ouvre à n’importe quelle page, je m’arrête, je reprends plus loin ou j’en commence un autre et puis il y en a un qui m’emporte, je ne saurais pas dire comment, juste je le dévore du début à la fin, il m’accompagne un petit moment partout où je vais, j’ai même l’impression qu’il me protège, je sais c’est bête, j’ai un peu honte, mais ce temps-là, le temps d’un livre, moi aussi je disparais et c’est comme si de l’autre côté, sur l’autre rive, c’est moi qu’on attendait. »

On s’est juste embrassés d’Isabelle Pandazopoulos

Aux éditions Gallimard Jeunesse, collection Scripto

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C’est moi le plus fort de Mario Ramos

Catégorie Incontournable Littérature Jeunesse
-Album-
À partir de 4 ans


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Quand on a quatre ou cinq ans, il y a un objectif terrible que l’on voudrait atteindre : être LE PLUS FORT.

Ça tombe bien : le loup de cet album de Mario Ramos est dans le même état d’esprit. Mieux, il est convaincu, oui, il est persuadé d’être le plus fort.

Pour confirmation – et parce qu’il n’a plus faim – il pose la question à tous ceux qu’il croise.

Un joli petit lapin de garenne le conforte dans ses certitudes :
« « Le plus fort, c’est vous Maître Loup. Incontestablement et sans aucun doute, c’est absolument certain », répond le lapin. »

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Le Petit Chaperon Rouge et, plus tard, les Trois Petits Cochons sont bien d’accord :
« « Le plus fort, le plus costaud, le plus beau, c’est assurément vous, Grand Méchant Loup ! » répondent ensemble les trois petits. »

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Même réponse avec les Sept Nains à qui le Loup pose la question en ces termes :
« Hého ! Les zinzins du boulot, savez-vous qui est le plus fort ? ».

Très fier de lui, sûr d’être invincible, le Loup croise un dernier personnage, minuscule, « une espèce de petit crapaud » :

« « Salut, horrible chose. Je suppose que tu sais qui est le plus fort ? » dit le loup. »

Coup de théâtre ! La réponse de l’espèce de « petit crapaud » n’est pas celle attendue… Et le loup va brutalement se mettre dans une ÉNORME colère…

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...avant de revenir à un peu plus d’humilité, car la chute est sans appel !

C’est moi le plus fort de Mario Ramos est bien un incontournable de la littérature jeunesse : des illustrations efficaces présentent un loup vantard et sûr de lui, agressif, impressionnant. Le contraste avec la petitesse et la délicatesse des personnages rencontrés est encore plus plaisant.

Le texte offre un bel échantillon de vocabulaire et d’expressions qui ne sont pas souvent utilisés dans les albums pour enfants :
« assurément », « incontestablement », « je me sens bien dans ma peau », « je ne m’en lasse pas »…etc.

L’humour est omniprésent (par exemple, face au Petit Chaperon Rouge : « Sais-tu que cette couleur te va à ravir ? Tu es mignonne à croquer… »). En outre, le ridicule du personnage principal se fait de plus en plus évident à mesure que la progression du loup avance.

La forêt de ce loup est remplie de personnages de conte de fée que l’on sera curieux, et heureux, de rencontrer au fil des pages. De quoi se remémorer d’autres histoires, connues de tous, celles que l’on peut raconter mille fois !

Et la morale dit bien que, tout comme il y a toujours un plus petit que soi, il y a aussi toujours un plus fort que soi ! C’est autrement qu’il faut progresser, car la quête du plus puissant est bien vaine… L’occasion de montrer à un petit lecteur qu’il y a autre chose que les rapports de force dans la vie.

Cet album est paru pour la première fois en 2005, et il est toujours disponible (en petit format et à petit prix chez Lutin Poche) : hourra !

Envie d’un bonus ? Les petits secrets de ce livre vous sont révélés sur le site de l’auteur… Mais chut ! Ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai dit !

C’est moi le plus fort

de Mario Ramos

À l’École des Loisirs

et dans la collection Lutin Poche



Mi et la planète bleue, Mi sauve le Pays des Rêves et Mi trouve des amis de Denitza Mineva

Catégorie Littérature Jeunesse -Album-

À partir de 4 ans

Parution en avril 2009

mi_planeteMi est minuscule. Logique pour une fourmi.

Mais Mi est grand : par le charme !

Il évolue dans l’univers poétique et délicat de Denitza Mineva, qui doit sûrement puiser son inspiration quelque part entre Mirò et le Pays du Soleil Levant…

Quelques traits fins, des couleurs contrastées, un oiseau qui porte une cloche, un piano sur un toit, une larme sur un dessin…

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Inutile de vous raconter les aventures de Mi. L’idéal est que vous le suiviez dans ses pérégrinations. Il lui faut sauver une planète au bord de l’explosion onirique, se sentir exister, et rencontrer autre chose qu’un malpoli qui ne dit pas merci…

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Autre atout : mise à part la qualité des illustrations de ces trois albums, leur format, de petite taille, est une excellente surprise.

Le lecteur peut ainsi emmener Mi partout, se promener avec lui, le feuilleter dans toutes les circonstances, sans être bloqué par une page qui ne veut pas se tourner, faute de place, grrr…

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Illustrations et formats ajoutent au plaisir de l’histoire : Mi rêve, et nous avec lui. Mi se sent exclu, un sentiment que nous avons tous vécu, au moins une fois. Et Mi se sent heureux d’exister, même s’il est minuscule, et parfois un peu perdu au milieu d’un monde immense…

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Trois vraies petites merveille, donc.

Reste maintenant à avoir la patience d’attendre, pour pouvoir lire Mi dans d’autres aventures !

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(…sous vos applaudissements…)

Mi et la planète bleue,

Mi sauve le Pays des Rêves et

Mi trouve des amis de Denitza Mineva

Aux éditions Anabet

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Chien bleu de Nadja

Catégorie Incontournables Littérature Jeunesse -Album-
À partir de 4 ans
Illustrations sous Copyright des éditions L’école des Loisirs

couv_chienbleuFaites de la place sur les étagères ou sur les tables de chevet des petits derniers : Chien Bleu est un incontournable par excellence. Il pourrait être la réponse à la question « Et s’il n’en fallait qu’un ? »…

Des illustrations somptueuses, une histoire prenante, des émotions intenses, voilà le contenu de cet album.

Charlotte est une petite fille solitaire qui vient tout juste de rencontrer un « chien étrange, au pelage bleu, aux yeux verts brillants comme des pierres précieuses ».

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L’enfant et le chien deviennent complices, jusqu’à ce que la maman de Charlotte intervienne :

« Je ne veux pas que tu joues avec ce chien. On ne sait pas d’où il vient, il est peut-être méchant ou malade. De toute façon, je ne veux pas de chien à la maison. »

C’est la séparation, et elle est douloureuse…
Au cours d’un pique-nique, la petite fille se retrouve perdue dans les bois. Il fait sombre. Le décor est effrayant. Une créature s’approche de Charlotte :

« Terrifiée, elle vit une immense silhouette se précipiter sur elle. Lorsque l’animal fut tout près, Charlotte poussa un cri de surprise : c’était Chien Bleu, qui l’avait suivie à la trace et retrouvée dans la forêt ! Elle l’enlaça de toutes ses forces. »

Mais « l’Esprit des bois », transformé en panthère noire, est bien décidé à s’emparer de la proie qui vient d’entrer sur son territoire. « « J’en ferais bien mon dîner », se dit-il en avançant dans la lumière. »

Dès lors, c’est la lutte entre le vaillant Chien Bleu et le monstre de la nuit. Heureusement que l’histoire ne s’arrête pas là !…

Les illustrations pleine-page de Nadja provoquent l’immersion dans la fiction : joliesse de Charlotte, pureté des lignes de Chien Bleu, rigidité de la mère – vue de dos et vêtue de noir – qui s’oppose à l’amitié naissante. La forêt est magnifiquement rendue dans un travail de touches enchevêtrées, jaunes, ocres, brunes et terre de sienne. C’est toute la « patte » de Nadja dans ces gouaches expressives.

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Les thèmes de Chien Bleu sont forts : l’ami imaginaire, les frayeurs nocturnes, l’incompréhension des adultes… Car Chien Bleu est bien plus qu’un chien héroïque.    Il peut être vu comme le symbole de la fiction rassurante : ce chien qui ne ressemble à aucun autre, et qui parle aux seules oreilles de celle qui peut l’entendre, celle qui l’a choisi. C’est la part du rêve qui sauve (qui sauve ici de la solitude, de la peur, de la séparation)… Il peut aussi figurer la transformation affective opérée sur l’être que l’on aime. Un simple chien, le plus commun des chiens, objet d’une si grande affection, ne peut devenir que majestueux et magique. Il est vu avec les « yeux du cœur », il « devient » Chien Bleu, et la vie ordinaire ne l’est plus tout à fait. Elle se trouve transfigurée par les émotions.

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L’idée de la perte (perte dans la nuit, dans le sommeil) est aussi un enjeu, avec cet espace ou les forces primitives, qui s’affrontent dans d’incontrôlables cauchemars, se retrouvent terrassées par la lumière, le réveil, puis le retour vers la protection des siens. Preuve d’amour finale : l’acceptation totale, par ses parents, de tout ce qui constitue Charlotte, ses frayeurs, ses rêves, ainsi que l’attachement qu’elle éprouve pour Chien Bleu.

L’album s’ancre aussi dans une sorte de filiation, avec Charlotte, en robe rouge, portant un panier, comme le fait le Petit Chaperon Rouge. L’Esprit des bois personnalise toute la kyrielle de monstres et d’ogres dévoreurs d’enfants. Si la bouche du Prince Charmant réveille la princesse endormie, Chien Bleu, de son souffle, fait naître un feu qui réchauffera la petite fille. Et Charlotte, retrouvant sa maison, évoque par sa posture triomphale le retour du preux chevalier sur sa fidèle monture.

Chien Bleu est un album rare, l’un de ceux que l’on peut raconter encore, et encore, et encore, sans que jamais l’auditeur ne se lasse. Et sa dernière phrase déclenche presque à coup sûr un frisson mêlé de plaisir, d’émotion et de tension apaisée…

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Cet album est sorti en 1989, à l’École des Loisirs (eh oui, Chien Bleu a vingt ans !) Il a déjà enchanté un nombre d’enfants considérable… et c’est loin d’être terminé !
Il est toujours disponible en grand format, et en petit format et petit prix chez Lutin Poche.

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Chien Bleu de Nadja
À l’École des Loisirs


Ma maman m’adore ! et Mon papa m’adore ! de Pittau et Gervais

Catégorie Littérature jeunesse -Album-
À partir de 3 ans
Parution en mai 2009

couv_monpapamadore Deux albums bien ciblés : l’un parlant d’un petit garçon, l’autre d’une petite fille.

Ces deux enfants sont PARFAITS, on s’en doute.

LUI d’abord :

« Je suis très gourmand ! »
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« Je hurle sans arrêt ! »
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« J’ai découpé les rideaux de ma chambre… »
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Hou la la… Bien que les qualités de ce petit garçon soient nombreuses (et je vous passe les détails, il y en a d’autres… !), on est en droit de se demander comment sa maman prend les choses…

Eh bien, l’auriez-vous deviné ?
Sa maman l’adore !

ELLE ensuite :

« Quand je pleure, je pleure beaucoup ! »
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« J’adore jouer avec la douche ! »
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« J’aime bien donner des coups de pied ! »
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Hum… hum… Pas très facile à vivre, cette petite…
(et je ne vous ai pas tout dit !)
Eh bien, je vous le donne en mille :
son papa l’adore !

Des illustrations et des phrases simples,
claires, percutantes, pertinentes, voilà de quoi faire réagir les lecteurs.
Vont-ils se reconnaître dans les pratiques turbulentes de ces deux petits héros ? L’occasion de revoir, avec le sourire, des épisodes surprenants du quotidien, celui où le pyjama a terminé ses jours en lambeaux, par exemple. Ou celui qui a vu naître une fresque murale spontanée dans la chambre fraîchement repeinte.

L’occasion aussi d’établir des certitudes : peu importe les bêtises et leur fréquence. Quoiqu’il arrive, pour le meilleur et dans le pire, Ma maman m’adore ! et Mon papa m’adore !
Une chose que l’ont dit rarement, car on la pense évidente… Rassurant, non ?
En plus d’être, drôle, bien vu, bien dit et bien dessiné.

couv_mamamanmadorePetit plus : le cœur cartonné amovible de la couverture, qui permettra à votre petit bout d’chou de vous donner concrètement « son cœur », bleu ou rouge, ou les deux à la fois !

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Ma maman m’adore ! et Mon papa m’adore ! de Pittau et Gervais
Aux éditions Gallimard-Jeunesse, collection Giboulées
imprimante icone copie

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