Archives d’Auteur: cjeanney

La maman qui s’absentait de Stéphane Martelly et Albin Christen

« La maman s’absentait

 –Le mal du pays s’attrape si facilement

 –Une fois qu’on y est allé

 –Une fois qu’on y est allé

 –C’est si contagieux ces pays-là »

C’est l’histoire d’une maman qui s’absentait, une maman là sans l’être, une maman qui « prenait les voiles », qui « tournait creux », qui « égarait son ange ».
Une histoire à deux voix, l’une narratrice, l’autre enfantine, et l’on peut ainsi se placer des deux côtés du miroir. Une histoire compréhensive qui tente de s’introduire à l’essence même de ces deux êtres liés, délicatement (car ces choses-là sont secrètes et douloureuses, et fragiles).
Une histoire qui n’en est pas une (pas au sens de péripéties ou de coups de théâtre) mais une histoire profonde et simple. Stéphane Martelly ne prend pas les enfants pour des êtres limités, incomplets, elle leur offre un poème, un texte qui fait son chemin petit à petit dans la conscience. Qui résonne aussi singulièrement dans la voix du parent lecteur.

« Et elle était là

Dedans

Faisant taire sa rumeur

Embrumant ses jours

Densifiant son atmosphère

Par des milliers de châles

——–toucouleur

Noués

Amarrés

——–sur sa chaleur »

Albin Christen, avec son travail esthétique, construit parallèlement au texte un développement de décors pratiquement mouvants (on les perçoit comme tels), jeu de mouvements en noir et blanc. La narration des images est sensible, proche du symbolique sans l’assener. Lui aussi choisit d’aller et venir entre vision de la narratrice et celle de l’enfance, avec une sorte de spontanéité et de franchise qui ajoute à l’intelligence du travail.

La maman qui s’absentait n’est pas un livre comme les autres.
On y parle de séparation, d’isolement, de la difficulté du monde, mais aussi de la magie du lien, cet « amour infini » qui veille, ce chemin double vers ce

« monde vaguement à mi-chemin qui ne serait qu’à nous ».


En savoir plus sur Stéphane Martelly
sur Albin Christen
sur les éditions Vents d’ailleurs

Ixchel enfant de la lune d’Elsa Hugues et Gwenaële Thoumine

« Le jour se lève sur le village de Kabah, dans la région du Yucatán, au sud-est du Mexique. »

C’est le village d’Ixchel, et elle a neuf ans aujourd’hui.

« Ixchel attendait cette date avec impatience car, à partir de ce jour, elle serait considérée comme une jeune fille. Ixchel peut désormais allumer toute seule le comal et préparer les panuchos pour le déjeuner. »

Si vous ne savez pas à quoi ressemble un comal, pas de panique : à la fin de l’album un lexique le montrera et expliquera très simplement son usage, comme il donnera la composition des panuchos (petites galettes de maïs frites agrémentées de haricots noirs, feuilles de laitue, poulet, tomates, oignons, sel, orange amère, avocat et piment, miam).

Ixchel enfant de la lune fait partie de la collection Terre de mômes qui présente des pans de la vie quotidienne d’enfants du Burkina Faso, du Cambodge, de Madagascar, etc.

De manière très directe et parfaitement compréhensible, on comprendra ce qui motive la joie d’Ixchel le jour de ses neuf ans : sa rentrée des classes. Elle quitte son village, les plantations d’henequén, car même si savoir cuisiner et tisser l’hennequén est important,

« pour réussir plus tard, il faut que tu apprennes davantage » assure la mère d’Ixchel.

On comprendra qu’elle doit se rendre à la ville (une manière implicite de se faire une idée du mode de vie rural d’un petit village maya au Mexique). Sans didactisme ennuyeux, le texte d’Elsa Hugues, avec sa précision, éclaire le petit lecteur européen et met en place des notions de société et de géographie importantes.

Les illustrations de Gwenaëlle Thoumine vont dans le même esprit de simplicité, avec une très jolie touche de naïveté colorée.

Au delà du mode de vie particulier et du vocabulaire spécifique, le thème du racisme est abordé très sainement. Ixchel y sera confrontée mais saura rassurer sa nouvelle amie mexicaine :

« nous ne faisons plus de sacrifices humains depuis plusieurs siècles »

(ouf !)

Elles travailleront toutes les deux en classe à un exposé sur les éclipses. Les connaissances d’Ixchel leur seront bien utiles : il faut dire qu’elle porte le prénom d’une divinité maya associée à la lune et que ses ancêtres étaient d’excellents astronomes.

C’est une belle histoire, nourrie de savoirs variés, enrichissante, qui ouvre l’esprit et pointe du doigt un racisme dont nous n’avions pas idée. Une histoire qui nous sort de notre ethnocentrisme (quand je dis nous, c’est nous, grands et petits, à partir de 6 ans en plus, ce qui n’est pas si habituel. On serait d’ailleurs bien inspiré d’aller feuilleter les autres parutions de cette collection Terre de mômes).


Voilà une escapade à faire, à environ 9200 kilomètres d’ici, pleine de couleurs, de mots nouveaux, pour les petits citoyens du monde…

Ixchel enfant de la lune

d’Elsa Hugues et Gwenaële Thoumine

aux éditions Siloë Jeunesse (6-11 ans)

 



Mon plus proche cousin de Marguerite Tiberti et Pascal Vilcollet

Nul de besoin de faire une longue présentation de cet album.
Il n’y a qu’à l’ouvrir pour comprendre : il est hors du commun, joyeux et, Ohé la science ! il nous (dès 5 ans) en apprend de bien étranges sur les liens qui unissent cousins et cousines dans la grande famille des vivants.

Voyez plutôt et tentez de répondre à la question :


Ah, oui, vous êtes comme moi… et serez bien surpris de la réponse :
_
Et oui, il faut aller au-delà du visible, chercher dans les cellules cachées sous les poils et les écailles, fouiller dans le patrimoine génétique…
Je vous écoute. Vous avez une idée ?…
Bien vu :
 

Avec ce format inhabituel plus large que haut (30x17cm) et ses volets dépliants, Mon plus proche cousin propose des devinettes qui peuvent paraître bien folles mais constituent pourtant des vérités scientifiques, et pas des moindres.


Finis les concepts qui plaçaient l’Homme en altesse sérénissime au sommet de l’évolution des espèces. « On considère maintenant que toutes les espèces actuelles, de la bactérie à l’homme, sont aussi évoluées les unes que les autres ».
Alors ? Un album à sourire et à apprendre en même temps, à mettre à bas les idées reçues et à s’ouvrir des horizons très larges, franchement, Mon plus proche cousin devrait distribué dans toutes les postes/boulangeries/pharmacies environnantes comme concentré d’intelligence facile à ingérer !
Mon plus proche cousin de Marguerite Tiberti et Pascal Vilcollet
à partir de 5 ans
aux éditions du Ricochet
en savoir plus ~> sur le blog de l’éditeur
~> sur le blog de la librairie Les sandales d’Empedocle

Kalimagier de Nadia Roman, Lazhari Labter, Marie Mahler

Les mots voyagent, s’échangent et ne s’arrêtent pas aux frontières.
Le dire c’est bien, mais le voir, c’est mieux. Et c’est parfaitement visible dans ce
KALIMAGIER.
_
Kalima en arabe veut dire « mot » et Imagier livre d’images en français, d’où ce titre.

Voici un livre d’images qui fait le va et vient entre deux langues et raconte à sa façon une grande histoire, si grande qu’il est difficile de l’approcher d’ordinaire, l’histoire des mots.

KALIMAGIERen présente100 : 50 mots arabes d’origine française et 50 mots français d’origine arabe.
Mieux que ça, il présente l’origine de chacun de ces mots avec son écriture et sa prononciation, grâce à un petit mode d’emploi en début de volume. On pourra rouler les r ou souffler le h du fond de la gorge en toute connaissance de cause, à chaque page.

C’est un très beau voyage à effectuer, mais plus encore : un itinéraire intelligent, l’accès à une mémoire collective, celle de ceux qui transportèrent Nénuphar ou Cumin dans un Camion, un Carton, un Bus, des Kilos et des Grammes de mots, au Hasard de la grande Machine de la langue en transformation.


Des illustrations inventives dans les tons ocres rougeoyants ajoutent à la qualité de ce petit format de 200 pages, si bien pensé et si bien présenté. On a hâte de tourner la page pour voir ce qui se cache derrière…


On passe de la Gazelle au Zénith avec surprises. L’illustration, la calligraphie et la prononciation étonnent. Voilà des mots sortis tout neufs de leur boîte à ressort.
_
KALIMAGIER est unique. Co-création et coédition franco-algérienne, c’est une visite linguistique poétique et humoristique à la fois. Et l’élégance de ce petit format est accessible dès 5 ans.

~>en découvrir plus et feuilleter les premières pages sur le blog des Éditions du Ricochet

Kalimagier de Nadia Roman, Lazhari Labter, Marie Mahler

Bestiaire des animaux menacés de Cécile White et Eric Dauzon



« – Un tigre, un ours, un ara, un bison, une tortue, un singe, un papillon, dis-moi, j’arrête, y en a assez ?
-Non, continue, ils sont tous menacés !
-… Un poisson, un aigle, un éléphant, un kakapo, oh ! un orang-outang, une grenouille, un mandrill, un panda, un zèbre et pourquoi pas un bélouga ! »

Très bel objet que ce bestiaire grand format. Il tient de l’encyclopédie, avec des textes descriptifs à propos de chacune des 18 espèces passées en revue. Un onglet latéral sur la page de gauche résume des informations précises (taille et poids de l’animal, statut, évolution et situation géographique sur une mini-carte du monde).

Sur la page de droite en revanche, s’étale une création pleine page.
Pastels, acryliques, empreintes, aquarelle, chaque animal est représenté de façon artistique, et se trouve souligné d’un petit texte à la poétique ludique.

On apprendra beaucoup, des différentes races d’aras au quotidien de l’aigle impérial espagnol, en passant par le manque de discrétion du mandrill qui nuit fortement à sa survie.
« Un beau mandrill, un joyeux drille,
Aimait montrer son popotin.
Son p’tit cousin, un vrai gorille,
Lui, préférait lever le poing. »

La particularité de ce Bestiaire des animaux menacés est d’offrir à tous, biologistes en herbe et petits curieux, de quoi se satisfaire.
Entre jeu poétique et vocabulaire scientifique, c’est une belle approche de la sauvegarde de la nature.
Accessible dès 9 ans, la présence d’un adulte sera parfois nécessaire pour expliciter le texte, mais le très jeune public ne restera pas insensible au comique involontaire dégagé par le kakapo (il faut dire qu’avec un nom pareil…)

Le petit plus : la carte du monde à la fin du livre, illustrée des vignettes d’animaux, sert à la fois de sommaire et de prétexte à une revisite. Rêves de grands espaces en perspective.


Bestiaire des animaux menacés de Cécile White, poèmes d’Eric Dauzon
Livre recommandé par la LPO (Ligue pour la Protection des oiseaux)




Milton au Musée de Gabriel Umstätter et Haydé

Imaginons un chat, noir et blanc, coquin, décomplexé, finaud et bien décidé à s’ouvrir l’esprit en découvrant autre chose que des queues de souris. Imaginons-le en train de déambuler dans les salles d’un Musée et écoutons ce qui lui passe par la tête. Imaginons aussi qu’il s’appelle Milton et que le Musée en question se trouve à La-Chaux-de-Fonds. Et voilà ce que nous obtenons :

Petit volume compact, Milton au Musée se déplie pour mieux élargir notre panorama ! D’abord, l’espace de la double page : à gauche un tableau (art du XIXe et du XXe siècle) et à droite Milton en plein action (ou réaction) face à celui-ci.


La page de droite soulevée dévoile un texte au centre ainsi qu’un second tableau sur le volet de droite déplié, en rapport avec le premier.

Ce fonctionnement très ludique ne s’arrête pas au jeu mais montre autant de cohérence que d’utilité. Un moyen très sûr d’entrer en interaction avec les tableaux : le premier regard s’arrête à la première impression, vite traduite par Milton, ce qui est très décomplexant. Puis, c’est la découverte du texte.

On pourrait craindre un apport rébarbatif, centré sur une compilation d’analyses et de savoirs… Heureusement, non : chaque texte offre des pistes et des ponts que tous peuvent emprunter sans risque. Il questionne, remarque, s’interroge et nous fait regarder une scène d’un autre œil, sous un autre angle, pointant ce que nous n’avions peut-être pas remarqué. Le second tableau arrive comme un contre-point au premier, contre-champ, comme un autre possible, un autre champ d’observation.

Attiser la curiosité, entrer dans le regard d’un peintre et questionner notre regard à travers lui, voilà le pari gagné de ce volume qui, même s’il s’adresse aux plus jeunes (à partir de 7 ans), est loin d’ennuyer les plus grands.

En annexe sont présentées de courtes biographies d’artistes ainsi qu’une présentation rapide du Musée.


Se promener dans les pas de Milton (merci Haydé !) et derrière les textes-invitations (merci Gabriel Umstätter !) est un réel plaisir qui pourrait, pourquoi pas, déboucher sur une visite non-virtuelle du Musée de La-Chaud-de-Fonds…

Comme le note Gabriel Umstätter « Tu risques d’être surpris en voyant les tableaux originaux : tu les auras imaginés plus grands ou plus petits, tu y découvriras des détails inattendus, ils te feront peut-être un effet tout différent et tu pourras les comparer à bien d’autres tableaux que nous n’avons pas pu reproduire ici. Découvrir des œuvres d’art dans un livre c’est bien, mais les voir en vrai c’est encore mieux ! »

Milton au Musée de Gabriel Umstätter et Haydé
Aux éditions La Joie de lire
Parution en mai 2010

Vison sans visa de Brigitte Vaultier et Maud Riemann



« Un vison qui rêvait
De changer d’horizon,
De vivre vie plus zen,
Certes pas sans raison,
Envisageait ravi,
La tête emplie d’images,
De grisants paysages,
Un voyage en Asie. »

Ce Vison sans visa entreprenant n’a pas fini de nous faire caracoler derrière lui !
Dans un périple qui passera par la case prison, il devra s’infiltrer dans une soute à bagages, chevaucher un zébu, choper un coryza…



Atypique, cette histoire, autant que son format, une mise en page panoramique qui va se faire remarquer sur les étagères.

Album plus large que haut, Vison sans visa utilise l’espace ainsi créé avec vigueur et pertinence puisque la magie-comédie du voyage s’y étale “dans les grandes largeurs”, croisant le look BD et le poème en rimes. Oui, vraiment, Vison sans visa ne ressemble à aucun autre album.



Brigitte Vaultier était déjà à l’origine d’un objet superbe : Zoofolies (livre tout en hauteur celui-là, où ses poèmes et les illustrations se Kerso se mariaient magnifiquement).

Elle réitère ici, jouant des sonorités et des rebondissements avec un plaisir qui saute aux yeux.

« En pleine déraison,
Des idées à foison,
Se dit : ˝Foi de vison,
Je n’ai pas visité
Zambie ni Zimbabwé…
…Gibraltar, Zanzibar…
…La Corrèze et la Creuse…
…Trévise ou même Pise !˝ »


La suivant dans ses tours et détours sans hésiter une seconde, Maud Riemann enchaîne les inventions : bagages amoncelés, vison emprisonné, panda nonchalamment vautré…

Les angles de vue décalés se succèdent, rythmés par des cartes postales sur fond rouge ou l’étendue d’un paysage vaste…


Impossible de rendre la largeur des pages et leur palette dans cette chronique (qui ne montre que des détails) : vous pourrez vous faire une idée plus juste sur le site de l’éditeur, et ainsi mieux mesurer l’alliance parfaite entre traits, couleurs et postures des différents personnages.



Décidément, les éditions du Ricochet riment avec qualité, qu’on se le dise ! Encore une nouvelle parution originale, soignée, différente…

Mais jusqu’où iront-ils ?!…


Vison sans visa de Brigitte Vaultier et Maud Riemann
Aux éditions du Ricochet
À partir de 7 ans
Parution en février 2010

Le Melon prétentieux de Bénédicte Guettier

La patte de Bénédicte Guettier est reconnaissable entre toutes. L’âne Trotro lui doit sa mignonne petite bouille, ses oreilles expressives et les jolies bêtises qui ponctuent ses aventures.

D’oreilles d’âne à oreilles de lapin, il n’y a qu’un pas, vite enjambé : l’Inspecteur Lapou (dont la gabardine n’est pas sans rappeler celle d’un autre célèbre inspecteur, italo-américain celui-là) s’attaque au Melon prétentieux, un cas difficile s’il en est…


« Depuis quelques temps, un melon s’est installé dans le potager.
Regarde-moi ce gros prétentieux !
Il prend toute la place et il nous ignore complètement. »



L’ambiance du potager en est toute tourneboulée. Croyant rétablir l’harmonie, l’Inspecteur Lapou va vite réaliser qu’un face à face entre lui et la dérangeante cucurbitacée ne pourra être évité…
D’autant plus que le melon organise des élections. Qui fera la loi dans le potager ?

Bénédicte Guettier offre une palette de couleurs franches à ses personnages qu’elle cerne d’une ligne noire dynamique. Son écriture graphique pose dans la bouche des carottes, tomates et radis des paroles de bon sens, plutôt comiques.



Ça fuse, c’est vif et inattendu, car mangé ou être mangé n’ont pas tout-à-fait la signification usuelle des albums pour enfants. On peut manger ce qu’on aime, mais aussi manger ce dont on veut se débarrasser : le Melon prétentieux en fera l’amère expérience !



Dans le potager poussent une graine de politique et une graine de recette culinaire : la sauce Guettier prend parfaitement. Et l’Inspecteur Lapou ressort de cette histoire les moustaches parsemées de fleur de sel…

Cerise sur le gâteau : d’autres épisodes-enquêtes de l’Inspecteur Lapou attendent d’être feuilletés (dont l’un intitulé La Cerise sur le gâteau, quelle coïncidence !)



Le Melon prétentieux de Bénédicte Guettier
Aux éditions Gallimard Jeunesse, collection Giboulées
Parution en avril 2010
Album, à partir de 4 ans

1001 moutons de Kerso

Certains comptent les moutons pour s’endormir : pour que cela fonctionne, il faut que les moutons soient tous similaires, photocopies d’eux-mêmes, et qu’ils sautent tous du même bond au-dessus de la même barrière simpliste et rudimentaire.


Il semble que Kerso déteste nous endormir. Elle a horreur des moutons clonés. Elle abomine les barrières dupliquées.
Et elle le prouve, Ô combien, avec ses 1001 moutons !


Cet album sans texte, de format compact (15×15), propose 200 pages de moutons.
Attention, aucun mouton basique ici, mais des moutons à travers les âges et les lieux…

Du mouton de Lascaux au mouton prestidigitateur, en passant par le mouton pâtre, le mouton prince, le mouton tzigane, le mouton sirène, le mouton touriste, le mouton mannequin, le mouton cosmonaute, le mouton amoureux…. et j’arrête cette liste qui pourrait ne jamais finir, car 1001 ?! le nombre de ruminants bêlant est plutôt conséquent !


Un compteur placé en haut et à gauche de chaque page nous rappelle exactement à quel décompte nous en sommes.
Il aiguise aussi la curiosité, car il n’est pas rare qu’un mouton échappe à notre vigilance, et il faut s’arrêter pour trouver celui qui manque (travesti en papillon, par exemple), à la manière d’un Où est Charlie ? à bouclettes.



Les dessins, réalisés par Kerso d’un trait de rotring rehaussé de jaune, sont on ne peut plus imaginatifs : drôles, poétiques, historiques…certains mêmes dignes de comédies musicales hollywoodiennes !

Des exemples de ces double-pages sont visibles sur le site des éditions du Ricochet (bien plus nets et plus parlant que les détails présentés ici).

Le travail soigné de cet imagier est un régal. Kerso nous avait déjà charmé avec les superbes illustrations de Zoofolies. Le charme opère encore ici dans un autre style… la marque du talent !


1001 moutons est accessible dès 5 ans.
… mais franchement, entre nous : est-on vraiment obligé d’être équipé d’un enfant pour avoir la chance d’en profiter ?…



1001 moutons de Kerso
Aux éditions du Ricochet
AlbumImagier
Dès 5 ans
Parution en mai 2010

Camille Bouchon et son cochon de Myriam Picard et Jérôme Peyrat

« Dans la rue des Capucines,
entre la boulangerie et l’épicerie,
il y a la belle vitrine de Camille Bouchon,
« Maitre Artisan Boucher-Charcutier »,
« Meilleur Ouvrier de France ».
Chez lui, ça sent bon
la terrine aux champignons,
le boudin aux oignons,
le jambon, le saucisson.
Les saucisses sont par six…
Certaines font les andouilles
au beau milieu du gras double ! »


Le rêve de Camille Bouchon n’est pas chimérique : grâce à un cochon « bien dodu, bien rond », fabriquer du jambon et du saucisson délicieux, et gagner des médailles, « premier prix de la rillette, médaille d’or de l’andouillette ».

De la foire de Dijon, il rapporte un cochon. Son rêve va pouvoir se réaliser !
Il prendra soin de ce cochon, jusqu’à lui donner un nom, Joël.
Il s’en occupe tellement bien que… lorsqu’arrive l’heure d’aiguiser son couteau, le pauvre boucher-charcutier ne peut plus ôter la vie à un cochon devenu ami…


Dans Camille Bouchon et son cochon, il est question de cochonnailles, de victuailles, mortadelles et rondelles, rôti de porc au raisin, aux marrons, aux morilles, mais aussi et surtout d’amitié !


Joël aime tellement son maître qu’il est bien d’accord avec lui,
« car lui aussi a de l’ambition :
il se voit déjà bardé de diplômes,
et en photo sur les menus du jour parisiens.
-Finir dans l’assiette du Président de la République, ce serait fantastique ! »

Myriam Picard nous régale de rimes, et exploite une bonne bouchée d’expressions en rapport avec le cochon. Le texte est rythmé, chantant, léger et drôle à la fois.

Jérôme Peyrat ne manque pas d’humour non plus : acryliques brossés et  collages donnent de la saveur au comique des personnages, du petit menton réprobateur de Madame Bouchon aux magnifiques moustaches stylées de Camille lui-même.


La mise en page et le grand format de cet album laissent apprécier le teint rose de Joël et les frisotis sur son front. Camille Bouchon et son cochon se savoure, avec une petite salade et quelques tomates cerise… euh, non, je veux dire, se savoure avec les yeux et les oreilles.

On passe avec joie du cochon pendu aux tours de cochon, cochon qui s’en dédie !

« Cette tendre histoire au moins
ne finit pas
en eau de boudin ! »



Camille Bouchon et son cochon
de Myriam Picard et Jérôme Peyrat
À partir de 5 ans
Parution en février 2010